Le saut de classe : quand, comment, pourquoi?

Quelle est la différence entre un saut de classe, un glissement et un décloisonnement ?

Un saut de classe est spécifié sur la fiche remise aux parents en fin d’année scolaire. Par exemple un élève de cp, rentrera directement en ce2 au mois de septembre suivant.
saut de classe ms gs cp ce cm primaire
Un glissement est un changement de niveau en cours d’année. Par exemple, un élève suit le cp durant le premier trimestre puis passe au ce1, par exemple, à la rentrée de janvier.
glissement ou passage d'un niveau de classe au niveau supérieur en cours d'année
Un décloisonnement est un glissement partiel. L’élève se met à suivre le niveau supérieur en cours d’année (ou à la rentrée si cela a été décidé en juin), mais uniquement pour certaines matières. Ce choix a de multiples causes et répond à des cas particuliers. Il est possible en primaire mais également au collège, voire dans certains lycées.   

Qui demande le saut de classe ?

Le saut de classe peut être demandé par les parents ou proposé par le professeur. Les motivations premières des uns et des autres diffèrent quelque peu, même si, au final, tout le monde cherche la même chose : le bien de l’élève. Oui, je vous entends d’ici : dans ce cas, pourquoi y-a-t-il autant de tension lorsqu‘un parent aborde ce sujet avec un enseignant ? Parce que les critères pour décider d’un saut classe ne sont pas les mêmes dans la tête d’un enseignant et d’un parent. Comme souvent lorsque le sujet me touche à la fois personnellement et professionnellement, j’en explore tous les aspects et l’article se transforme en mini guide (comme mon dernier article sur LES DEVOIRS !). J’ai donc repris l’idée du plan cliquable pour vous faciliter la lecture. Vous pouvez ainsi rejoindre directement un des dix chapitres.   

Mon plan, pour un meilleur ‘saut de classement’.

1-le saut de classe vu par l’enseignant
2-le saut de classe vu par le parent
3-Les bonnes raisons de sauter une classe
4-Les raisons insuffisantes pour sauter une classe
5-Les arguments de l’enseignant pour refuser un saut de classe
6-Les inconvénients potentiels de sauter une classe
7-Les avantages de sauter une classe
8-Le meilleur moment pour sauter une classe.
9-Les démarches pour obtenir un saut de classe, un glissement en cours d’année, un décloisonnement.  
10-Un exemple vécu.

1-Le saut de classe vu par l’enseignant.

L’enseignant est formaté pour l’égalité à tout prix. Donner la même chance à tout le monde, ne pas faire de différence, etc. C’est louable. Et même si la réalité le rattrape avec des inégalités de niveaux jamais atteints auparavant dans une même classe, il jongle entre des injonctions paradoxales et tente de combler les inégalités à lui tout seul avec la pédagogie différenciée (un doux rêve avec les classes actuelles !). Il y a donc, chez lui, comme une réaction épidermique lorsqu’un parent évoque un éventuel saut de classe. C’est de l’ordre de l’inconscient. Pourquoi faire une fleur à un élève alors que tant d’autres ont besoin qu’on se penche sur leurs cas ? Ou alors, il a bien remarqué que cet élève était une formule 1, mais il a d’autres chats à fouetter (ou du moins à dompter).   

2-Le saut de classe vu par le parent.

Les parents réclamant un saut de classe le font rarement pour se glorifier de la chose ! Je dirais même, que dans la grande majorité des cas, c’est l’angoisse au ventre qu’il demande un saut de classe. Et les raisons de cette demande sont multiples. Loin d’être une fin en soi, c’est le moyen pour que l’enfant se sente mieux, ne soit plus harcelé, trouve un copain, s’agite moins, etc.  

3- Trois bonnes raisons de sauter une classe.

L’ennui (puis la démotivation).
L’ennui en lui-même, à petite dose, n’est pas un problème. Mais un enfant précoce comprend en 2 mn ce qui demande parfois plusieurs jours à ses camarades. Refaire sans cesse les mêmes exercices pour bien comprendre n’a pas de sens pour lui. L’ennui et ses conséquences guettent ! Même si dans les faits, l’enfant ne se tourne pas les pouces 90% de son temps. Il peut s’ennuyer tout en réalisant le travail demandé, sans motivation. Jusqu’au jour ou il rendra un travail bâclé (ou une feuille remplie de dessins) et se désintéressera totalement de ce qui est dit en classe. L’ennui engendre la démotivation qui engendre le décrochage. Car cet élève n’apprend jamais à apprendre. Il ne sait pas fournir d’efforts car tout est facile. Et un jour, ça coincera. On pourrait penser qu’il se mettra à travailler le jour où il en aura besoin. Mais comment se mettre à faire une chose que l’on a jamais apprise ? Sans compter qu’il faudra dans le même temps contrer les nouvelles habitudes prises entre-temps (smartphones, jeux vidéos…).  

Le mal-être de l’enfant.
L’enfant précoce ne rentre pas dans le moule et il sent plus ou moins inconsciemment une barrière entre lui et les autres. Ne comprenant pas la source de son mal-être, il l’extériorise par la provocation directe (verbale, physique) ou indirecte (travail bâclé, agitation, dépression).
Plus d’infos dans l’article  L’enfant précoce à l’école, en parler aux enseignants ?   

L’enfant isolé.
Ce comportement provocateur ou/et dépressif isole l’enfant. Mais l’enfant précoce n’a pas besoin d’être provocateur pour être isolé. Un élève discret et gentil peut être tout seul durant une année entière. Soit parce qu’il ne sait pas s’intégrer et reste dans son coin, soit parce que les autres rejettent son fonctionnement différent. 

4-Les raisons insuffisante pour sauter une classe.

L’ennui est une bonne raison, mais, dans certains cas, elle n’est pas suffisante. Si l’élève est épanoui, bien intégré dans la classe et joue avec ses camarades en récréation, un saut de classe le coupant de ses amis est risqué. La solution dans ce cas, est de le nourrir à la maison. On entend souvent dire que nos enfants ont trop d’activités et sont fatigués. L’enfant précoce lui, se fatigue de ne rien faire ! S’il a ses heures de sommeil, son cerveau sera apaisé avec, selon ses affinités, du russe, de la calligraphie chinoise, du piano, des échecs… mais également du théâtre, des arts martiaux, du yoga… Et si vous ne pouvez pas organiser un tel planning, pas de panique ! N’oublions pas qu’un après-midi de jeux de société en famille ou un livre sous la couette peuvent être sources de nombreux apprentissages, en les choisissant avec soin. C’est pourquoi je vous propose régulièrement de bons LIVRES et JEUX

5-Les arguments de l’enseignant pour refuser un saut de classe

Listons ici les mauvais arguments.
Ces arguments sont souvent avancés en toute bonne foi par des enseignants toujours aussi mal formés aux profils des EIP.refus de sauter une classe pour manque de maturitéL’IMMATURITÉ.
N’attendez pas que votre tomate verte devienne rouge car vous possédez une variété qui restera toujours verte. Ce qui ne l’empêche pas d’être mûr. Sa maturité s’apprécie lorsqu’on regarde à l’intérieur. Les émotions sont mal gérées et l’élève est estampillé, « bébé pour son âge » ou « immature ». Ceci sous-entend qu’avec les années, il apprendra à gérer ses émotions, comme tout le monde. Eh bien, non ! L’enfant hypersensible deviendra un adulte hypersensible. Cet enfant qu’on trouve immature (à l’école) car il ne maîtrise pas les codes sociaux, exprime (à la maison) des pensées d’une maturité qui fait défaut à pas mal d’adultes. Et c’est ce déséquilibre que l’enfant a du mal à gérer. Un saut de classe ne va pas l’aider à mûrir (la tomate reste verte), mais le laisser végéter ne l’aidera pas non plus. À ce stade, l’adulte se dit « Mais s’il est en décalage avec les enfants de son âge, il le sera d’autant plus avec des enfants plus âgés, donc plus mûrs. » Imaginez un gouffre entre deux rives. Que le gouffre fasse 10 mètres de large ou 50 mètres, cela ne change rien puisqu’il vous empêche, dans les deux cas, de rejoindre l’autre rive. Quitte à être coincé sur une rive, autant avoir de la compagnie. C’est pourquoi la question à se poser n’est pas celle-ci mais « A-t-il des amis ? » Je développerai ce point dans le chapitre des bonnes raisons pour demander un saut de classe. Poursuivons ici la liste des mauvaises raisons de le refuser.

GRAPHISME GROSSIER.
Les enfants précoces ont pratiquement tous une écriture peu esthétique (si si, même les filles 😉 ). Et ce sera le cas toute leur vie ! Là encore, ce graphisme est pris pour un manque de maturité ! En fait, il résulte d’un décalage entre la rapidité de la pensée et la lenteur de la main. Ce décalage ne disparaît pas avec l’âge ! Les adultes surdoués n’ont pas une belle écriture ! Attendre d’un enfant précoce qu’il adopte une belle écriture pour un saut de classe, c’est comme attendre qu’il brode du point de croix avec des gants de boxe !

NE FINIT PAS SON TRAVAIL.
« Qu’il fasse déjà le travail demandé ! ». Après tout, un élève aussi doué ne devrait-il pas tout faire impeccablement ? L’enfant précoce a toujours été, au début de sa scolarité, un élève enchanté de faire tout ce qui était demandé à l’école. Puis, selon son avance intellectuelle et sa patience, arrive à plus ou moins longue échéance le jour où il en a assez. Assez de répéter les mêmes exercices, assez de ne pas comprendre pourquoi ça n’avance pas. C’est justement lorsque l’enfant ne finit pas son travail ou le survole qu’il y a risque imminent de décrochage scolaire. La solution n’est pas de le forcer à avaler la même soupe tous les jours mais de lui proposer de nouveaux plats. Évidemment, le seul critère de ne pas finir le travail demandé ne suffit pas à supposer une précocité !  

LES RAISONS CACHÉES d’un refus par l’enseignant. 
Elles peuvent être d’ordre psychologique, comme un ressentiment d’avoir eu soi-même les capacités pour un saut de classe, sans en avoir bénéficié. Ou bien elles peuvent être d’ordre purement administratif. Parce que le métier a évolué et que de nombreuses démarches chronophages sont imposées aux professeurs et aux directeurs d’école sans aucune formation ni information ! Pour chaque démarche d’enfant à besoin particulier, le professeur doit se débrouiller tout seul tout en semblant tout maîtriser devant les parents.

Quelle que soit la raison du refus, dirigez le professeur vers un texte (par exemple celui-ci conseil pour la scolarité des EIP) détaillant le profil d’un enfant à haut potentiel (le saut de classe est évoqué à la page 4). 

6- Les inconvénients potentiels d’un saut de classe.

J’aurais pu intituler ce chapitre « les arguments pas si mauvais pour refuser un saut de classe ». À soupeser au cas par cas. 

Être taxé de ‘bébé’.
Dans un monde idéal, chacun irait à son rythme, sans risquer d’être catalogué en fonction de son âge. Mais voilà…
Il arrive que l’enfant ayant un an d’avance (ou deux ans d’avance !) soit taxé de «bébé» par ses camarades.
L’enseignant et les parents focalisent sur le niveau de l’enfant et sa capacité d’adaptation, mais oublient parfois le regard des autres. Et, par « les autres », j’entends « les parents des autres élèves »… Car lorsqu’un « camarade » rejette un enfant sous prétexte qu’il a un an d’avance, c’est souvent parce qu’il a entendu, à la maison « Je ne comprends pas pourquoi il a sauté une classe… c’est pas normal… les parents ont du insister…etc » Eh oui, les parents des autres ne sont pas tous bienveillants et les enfants imitent les parents… C’est pourquoi, il est important d’évoquer avec l’enseignant comment présenter ce saut de classe. Une mise au point de l’enseignant, à l’intention des élèves, est la bienvenue en début d’année. Et cette présentation doit évidemment être faite avec tact ! Claironner « c’est un enfant précoce, il est différent » ne va pas arranger ses affaires ! 

Si l’enfant arrive dans une nouvelle école, il est judicieux que l’enfant n’évoque pas son âge en début d’année. Assurez-vous que l’enseignant fera de même et laissez votre enfant « faire son trou ». Puis, s’il a du mal à s’intégrer, voyez avec le professeur.

Être plus petit, physiquement.
Dans un monde idéal, les plus grands ne s’en prendraient pas aux plus petits. Mais voilà…

On peut ainsi craindre que l’enfant ne puisse se défendre au contact d’enfants plus forts physiquement. Mais le harcèlement peut très bien être exercé par un enfant du même âge, et pas forcément plus grand ! Point à suivre de près ! 

Contact avec les jeux vidéo.
Un autre inconvénient d’un contact avec des élèves plus âgés est une initiation précoce aux jeux vidéo en général et aux jeux vidéo violents en particulier ! C’est pourquoi il est important de sensibiliser votre enfant à la maîtrise des écrans (en terme de quantité mais également de qualité) avant le saut de classe si celui-ci concerne le cm1 ou le cm2. Idem pour le smartphone au collège. 

7- Les avantages d’un saut de classe ou d’un glissement.

-Eviter le décrochage par ennui
-Nouer des relations différentes avec de nouveaux camarades
-Éviter un enseignant cassant ayant pris l’enfant en grippe (avec un glissement en cours d’année) ou éviter l’unique enseignant du niveau supérieur dont la réputation vous fait envisager le pire (avec un saut de classe). 
-Se soustraire au harcèlement. Parce qu’on sait bien que ce ne sont JAMAIS les harceleurs qui sont priés de changer d’établissement et donc de quitter leurs copains. 

En résumé, le saut de classe permet parfois (souvent, en fait) d’être mieux dans sa tête, plus serein, plus heureux…
S’il y a urgence et que la situation est bloquée, rappelez-vous que si l’instruction est obligatoire, la scolarité ne l’est pas. Vous pouvez retirer votre enfant de l’école, même pour une seule année, grâce à l’instruction en famille. Ceci est valable de la maternelle au lycée (et plus). 

8- Quel est le meilleur moment pour un saut de classe ?

En primaire (maternelle et élémentaire), le saut de classe peut être envisagé à n’importe quel moment de l’année et à n’importe quel niveau. La grande majorité des sauts de classe se font en primaire. Le plus tôt est le mieux. En maternelle, les autres enfants accorderont moins d’importance à la différence d’âge. La plupart des sauts de classe se font entre le cp (lorsque l’enfant est bon lecteur avant tout le monde) et le CE2 (ennui, mal-être croissant).

Lorsque tout va bien mais que l’enfant s’ennuie, deux situations favorisent la décision de sauter… le pas. Tout d’abord, lorsque l’enfant est dans une classe à double niveau. Ou bien à l’occasion d’un déménagement. Car dans ces deux cas, le saut de classe n’est pas à l’origine d’une coupure avec les copains ou copines de classe. L’idéal est la classe à double niveau car l’enfant a intégré (l’air de rien, mais assurément !) toutes les notions du niveau supérieur.

Au collège, bien que possible, cela reste assez rare. En effet, au collège le nombre d’interlocuteurs, le nombre de classes (donc d’élèves) par enseignant, l’importance de l’effet groupe à l’adolescence, etc. tout cela engloutit l’enfant dans la masse et il est rarissime qu’un enseignant de collège vous convoque pour aborder ce sujet. Voyez avec le professeur principal si, dans un premier temps, un décloisonnement est possible (explication au chapitre suivant). 

9- Les démarches pour obtenir un saut de classe, un glissement en cours d’année, un décloisonnement. 

-Si la proposition vient de l’enseignant.
Vous n’aurez rien à faire en dehors de donner votre accord (que ce soit en fin d’année pour un saut de classe ou en milieu d’année pour un glissement).
-Si vous êtes initiateur.
Vous sentez l’équipe réticente (parfois juste par principe !) ? Dans ce cas, vous devez fournir des « cautions extérieures » à votre bon vouloir. Test de QI et bilan accompagnant ce test (qui peut être également demandé en cas d’accord), avis de la psy scolaire (ça peut être à double tranchant, si elle n’est pas formée aux profils d’enfant à haut potentiel), et, si nécessaire, le référent EIP (enfant intellectuellement précoce) de votre académie.
Notez bien qu’un glissement peut se faire (contrairement à ce qu’avancent quelques professeurs mal informés) à n’importe quel moment de l’année. Et si l’équipe pédagogique est favorable au glissement, il peut être mis en place très rapidement sans avoir à demander l’accord de l’inspecteur. 

En mai, le conseil des maîtres signifie à tous les parents, par écrit, le passage dans la classe supérieure ou éventuellement le saut de classe de leur enfant. Si vous avez fait la demande pour un saut de classe et que la proposition est le simple passage en classe supérieure, quel est votre recours ? Vous devez faire appel en renvoyant au plus vite le papier signé spécifiant votre refus. La décision finale sera alors prise en réunion présidée par le DASEN (une sorte d’inspecteur en chef). Le soutien du référent EIP est, dans ce cas, le bienvenu. La réponse est souvent négative. D’un autre côté, un passage forcé mettra l’enfant en mauvaise posture vis à vis des enseignants… Des infos officielles ICI
Il est donc important de rencontrer le professeur au second trimestre afin d’obtenir un saut de classe dans les meilleures conditions. Certains enseignants seront alors rassurés de fournir à l’enfant, pour les vacances de pâques, de nombreux exercices du niveau qu’il doit sauter. Au retour des vacances, le professeur peut ainsi vérifier les acquis de l’enfant. Entre nous, malgré parfois un dossier d’exercices digne d’un chef d’état en campagne, les enfants précoces passent de bonnes vacances avec beaucoup de temps libre 😉

Au collège, s’il est difficile d’obtenir un saut de classe, le décloisonnement peut être un premier pas. Par exemple, un élève de 5e excellent en math mais avec des résultats en baisse pour cause de démotivation peut se voir accorder un décloisonnement en math. En pratique, il reste en 5e, mais suit les cours de 4uniquement pour les mathématiques. Ceci peut faire partie d’un PPRE avec engagement de la part de l’élève à se remettre au travail. C’est au cas par cas. L’élève peut ensuite intégrer peu à peu les autres matières. Dans l’exemple cité, l’élève reste officiellement inscrit  toute l’année en 5e, même s’il finit l’année totalement en 4e, puis le conseil de classe du 3e trimestre indique un passage en 3e. Si ce n’est pas le cas, là encore, il faut réagir très vite (dès le lendemain) pour faire appel.

10- Un exemple vécu.

Et même vécu de très près puisqu’il s’agit du parcours scolaire de mon fils. Une histoire avec des rebondissements (de classe en classe), des larmes (beaucoup !) et une fin plutôt inhabituelle… (ambiance suspens).

Tout commença dans une petite école de village.
Proposition de l’enseignante d’un glissement de la GS au CP
Je n’ai pas sauté de joie. Moi-même jeune enseignante sans expérience, j’étais convaincue que les sauts de classe devaient rester exceptionnels et réservés aux élèves spécialement matures. Pourtant, toutes les conditions étaient réunies : l’enfant était dans une classe à triple niveau (GS-CP-CE1) et, de ce fait, il garderait les mêmes copains, la même classe et la même (super) maîtresse ! Nous, parents, n’étions ni pour ni contre. Seul, le bonheur de notre enfant comptait et nous lui avons donné le choix. Ce choix, loin de l’angoisser, a été fait en 30 secondes. Il a posé une seule question « Est-ce que l’après-midi, je continuerai à dessiner ? ». On lui a expliqué que non, il devra suivre le cours de cp pendant que ses camarades de maternelle dessineront. Sa réponse a été sans appel « Alors je reste en grande section de maternelle ! ». Mon logiciel de prof a validé.

Demande de notre part d’un passage du cp au ce1 en cours d’année.
L’année suivante, il était donc en cp, toujours dans cette même classe à triple niveau, mais avec une nouvelle enseignante. Cette dernière semblait mal à l’aise avec les enfants (et les parents qu’elle fuyait carrément !) et nous avions très peu de retour sur ‘l’ambiance de classe’. Jusqu’au coup de fil d’une autre maman, qui m’apprenait que sa fille avait été choquée par l’humiliation qu’avait infligée cette enseignante à mon fils ! Interrogé à ce sujet, ce dernier a simplement haussé les épaules et rétorqué, avec un mélange d’honneur bafoué et de fatalisme « Tu sais, elle peut faire ce qu’elle veut, je m’en fiche ». Nous avons rencontré la directrice qui s’est excusé pour sa jeune collègue. Apparemment, cette enseignante, peu sûre d’elle, prenait les jeux de mots de notre fils pour des attaques personnelles et avait ‘craqué’. Apprenant que cette enseignante devait rester dans l’école l’année suivante, nous avons décidé de faire passer le fameux test de QI à notre enfant. Le but était d’obtenir un glissement au CE1, afin qu’il fasse la rentrée de septembre en CE2 avec une autre enseignante. Le glissement a été accepté sans problème. Il faut dire que l’enfant avait déjà entendu deux fois le programme de CE1 et répondait déjà aux questions de CE1 lorsqu’il était en grande section de maternelle. Le glissement s’est fait après les vacances de Pâques. Vacances durant lesquelles l’enfant était censé «travailler sérieusement tous les jours pour se mettre à jour». Nous avons respecté le contrat pour la forme, à raison de 5 mn par jour 😉
Résultat du saut de classe.
Depuis son entrée en maternelle, notre fils avait développé une hyperactivité qui, je l’espérais, disparaîtrait avec le saut de classe. Il m’a semblé qu’un mieux était tangible. Mais tout était encore trop lent et trop facile pour lui et l’agitation est vite revenue.
Un parcours chaotique.
Je ne détaillerai pas ici notre recherche de l’école parfaite. Cela fera l’objet d’un article à part. En décalage avec les autres enfants (quel que fût leur âge), il a enfin eu un copain en 5! En seconde, il se retrouva à nouveau seul.
Le rebondissement final (au lycée).
Je vous l’ai promis, le voilà. À la fin du premier trimestre de 1L, notre fils nous fit cette demande insolite «Je voudrais changer d’école et retourner en seconde». Il dit vouloir suivre l’option cinéma qui n’existe pas dans son lycée et qu’il désire suivre depuis le début c’est-à-dire en seconde. J’avais remarqué son air triste depuis la rentrée et j’ai tout à coup douté du bien-fondé de son saut de classe en primaire. Au lycée, il me semblait en total décalage avec les jeunes de sa classe. Filles maquillées, garçons qui se retrouvent au café, et lui si ‘enfant’… Je pensais que « l’option cinéma » était une excuse pour retrouver des enfants de son âge. Bref, en janvier, il est retourné en seconde avec option cinéma, dans une école privée. L’enthousiasme a été de courte durée. L’option lui plaisait mais il rencontrait le même problème d’adaptation au système. Ce n’est qu’en première (du coup, sa seconde première, si vous suivez), qu’il a été plus serein (mais ça, c’est une autre histoire). 

L’avis de l’enfant, avec le recul des années.
Mon fils a aujourd’hui 23 ans. Il y a peu, je lui ai demandé « si c’était à refaire, tu sauterais le ce1 ou pas ? » À ma grande surprise, il a aussitôt répondu « Oui, ça limite un peu l’ennui, même si, de toute façon, le système est à revoir en totalité ». Voulant en avoir le cœur net, je lui demande alors « Et ta demande de retour en seconde, c’était surtout pour retrouver des enfants de ton âge, non ? ». Réponse sans appel « Pas du tout, je voulais vraiment faire l’option cinéma. Si j’étais isolé, ce n’était pas une question d’âge mais de mode de pensée. Je ne comprenais pas comment fonctionnaient les autres, qu’ils aient mon âge ou pas. » 

Conclusion de la maman.
Le saut de classe est une solution, à défaut de vrais aménagements pour les enfants à haut potentiel. Sans en attendre un miracle, il ne faut pas hésiter à le tenter si l’enfant n’est pas bien.

C’est à vous…

…de nous raconter le parcours de votre (ou vos) enfant(s). Avez-vous refusé ou au contraire demandé un saut de classe. Comment cela s’est-il passé ? Ou bien êtes-vous en plein questionnement et cet article a-t-il nourrit votre réflexion ?
Au plaisir de vous lire,
Delphine
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le saut de classe comment le demander cp ce cm

 

 

 

 

 

 

 

Article L’enfant précoce à l’école

5 réflexions sur « Le saut de classe : quand, comment, pourquoi? »

  1. Le , DAVID GOETGHEBUER a dit :

    En CE2, l’institutrice de mon fils a proposé de lui faire sauter une classe. Ceci nous a amenés à réfléchir, et nous avons fait l’analyse suivante :
    Avantages supposés de sauter une classe
    On nous présentait 2 avantages possibles :
    1- régler un problème : lui donner un travail plus exigeant pour ne pas qu’il s’ennuie et soit démotivé. On peut voir sur internet que le saut de classe peut en effet être une solution si l’enfant s’ennuie au point de se plaindre, perdre sa motivation, déprimer, décrocher. Mais notre fils n’en était pas là, il termine son travail plus tôt, et ensuite il lit, ou il explique aux copains.
    2- saisir une opportunité : « gagner une année ». Nous ne voyons pas en quoi on gagnerait une année. Quel est l’intérêt d’avoir le bac à 17 ans au lieu de 18 ?

    Inconvénients
    1) Le changement amènerait plus de travail à faire, en classe et à la maison, sur son programme d’activités déjà fort chargé, ça deviendrait trop…
    2) … ou alors il faudrait diminuer les activités en dehors, ce qui serait dommage. Il fait de la danse, du foot, du ski, du dessin, du montage video, et de la musique. Les activités extra-scolaires (sociales, sportives, artistiques, manuelles) sont tout aussi importantes que l’école pour son épanouissement. Elles lui procurent du bonheur, et peuvent contribuer à déterminer ses choix futurs. Tant mieux si la charge scolaire n’est pas trop lourde pour lui: ceci lui permet de développer beaucoup de choses en dehors.
    3) Nous avons un objectif : qu’il réussisse l’admission pour faire au collège le programme spécial ENP avec certains cours en anglais. Il a 3 chances pour tenter l’examen (fin CE2, CM1, CM2). Sauter l’année de CM1 diminuerait ses chances de réussir l’admission à l’ENP : moins de disponibilité pour travailler son anglais, et il n’aurait que 2 chances au lieu de 3 pour réussir une admission à un niveau CM2.
    4) Se retrouver avec des enfants tous plus âgés entraîne un risque social et psychologique, il pourrait mal vivre cette situation de 3 manières: se sentir différent des autres, plus intelligent, et en être perturbé / être regardé de travers, charié, moqué par les autres: ceux qu’il a laissés derrière, et ceux qu’il a rejoints / se sentir mal à l’aise dans un entourage plus âgé que lui, être derrière, moins bon, moins au courant, moins mature. Nous souhaitons plutôt qu’il se sente un enfant parmi les autres, de son âge, sans distingo, bon pour certaines choses, et moins bon pour d’autres (le foot !).
    5) Puisque ses professeurs le disent, nous comprenons qu’il pourrait acquérir en un an de moins les connaissances requises en math et en français. Mais perdre l’année de CM1, c’est perdre beaucoup d’autres choses :
    – une année d’enfance, d’insouciance, de bonheur relax. Les excursions scolaires en car, le foot du samedi, les fêtes d’anniversaires, aller en vélo retrouver les copains au city stade, les sorties ski du mercredi, …
    – les autres apports de la classe : la poésie, l’histoire-geo, les débats, les lectures, …
    – un an de moins pour ses parents, pour développer sa compréhension du monde : mener la transition progressive de la bulle de l’enfance protégée, aux réalités d’un monde violent et incertain. Par des discussions, des livres, des rencontres, et sa réflexion personelle
    – un an de moins pour ses parents pour faire avec lui des activités extra-scolaires : jeux, sports, boîtes de science, construction de cabane, bricolages, lectures, films, dessin, montage video, …
    – il se retrouverait un an plus tôt (à 10 ans !!!) dans le grand collège avec des enfants plus âgés que lui, au lieu de pouvoir murir un an de plus avant le grand saut.
    On ne peut pas compresser toutes ces choses en un an de moins. On est obligé d’en perdre une partie. Mais ces éléments perdus ne sont pas que du bonheur en moins : ils sont nécessaires à sa construction progressive, au développement de ses capacités sociales, de sa personnalité, de ses connaissances.
    6) Dans les 15 années qui suivent, pour toutes les choses à découvrir, il serait le plus jeune du groupe.
    – Au plan scolaire, il passerait du statut de « je travaille normal, et je me retrouve classé en haut », à « je travaille dur, et je me retrouve classé moyen ». Ca peut être difficile à vivre.
    – Physiquement, il serait parmi les plus petits. Celui qui court moins vite, est moins bon dans les sports pour lesquels les aptitudes viennent avec l’âge.
    – au niveau mental, maturité, sexualité, relations sociales, violence, il sera confronté plus tôt que les autres aux questions nouvelles, plutôt que de les découvrir plus lentement, avec les enfants de son âge
    – les difficiles questions de choix d’orientation (bac, études) se poseront un an plus tôt, augmentant peut-être le risque de se tromper
    – Si il entreprend des études universitaires, il pourrait avoir à quitter la maison et apprendre à vivre en autonomie, à 17 ans !

    Notre conclusion
    Pour notre cas précis, nous ne voyons aucun avantages et pas mal d’inconvénients et de risques.
    Tant que ça se passe bien, pourquoi changer ?

  2. Le , Rosine BINARD a dit :

    Bonjour et merci beaucoup pour votre article très clair (avec les titres, c’est hyper pratique) sur le saut de classe, le glissement et le décloisonnement. Nous sommes exactement dans la situation de réflexion et d’échange avec l’équipe éducative que vous décrivez pour notre second fils HPI ! Le 1er (HPI également) a fait un glissement en maternelle. Sa scolarité a toujours été compliquée même avec cette année d’avance. Je ne sais pas comment cela se serait passé en restant dans le niveau de son âge… Des années après, c’est-à-dire au collège en 3e, il nous dit que le saut de classe est bénéfique par rapport aux apprentissages et découvertes (« sinon c’est d’une lenteur…) et négatifs par rapport aux relations sociales et aux moqueries que cela engendre au collège. Cet aspect a été très difficile à vivre pour lui et nous conseille même de ne pas faire de saut de classe pour son petit frère à cause de cela. Situation difficile… Qu’en pensez-vous ? Est-ce un argument suffisant ? Merci d’avance pour vos conseils.

    • Le , Delphine a dit :

      Bonjour,
      Cela dépendra de la personnalité du petit frère. Les deux frères ont-ils les mêmes types de relations sociales ?
      Le petit frère a également son mot à dire et il est important de savoir s’il a de vrais amis dans sa classe actuelle (et non un élève qu’il « suit » sans vrais atomes crochus). S’il est épanoui socialement, pourquoi changer. Mais s’il demande un saut de classe, c’est qu’il n’a pas peur de quitter des copains lambda.
      J’espère vous avoir un peu aider.

  3. Le , id a dit :

    Bonjour,
    Ma fille est rentrée à 2,5 ans en TPS en septembre (la seule dans une classe de PS) après échanges avec le médecin traitant et la crèche dans laquelle elle était gardée. Elle est attachée à ses copains copines de PS et suit très bien le programme. Je ne vais pas tout vous détailler mais je vois bien qu’elle ait identique au niveau de la scolarité, motricité, expression orale et sociabilité voir même plus que certains de sa classe PS. La maîtresse m’a dit dès le mois d’octobre qu’elle referait une année de PS étant donné qu’elle est considérée comme TPS. J’ai toujours élevé et occupé ma fille en fonction de son évolution et non en fonction des « cases ». Avec la rentrée en janvier de certains nouveaux TPS, je vois bien une grande différence. Je m’y prends tôt car l’année n’ai pas fini et je verrai bien ce qu’il y a de mieux pour elle je pense en avril mais je souhaiterais savoir comment passer de TPS à MS et à quel moment il faut s’y prendre ? Merci de vos conseils. Je précise que je n’ai pas mis ma fille à l’école plus tôt pour qu’elle ait 1 an d’avance, je fait au mieux en fonction d’elle.
    Bonne journée et bon courage à tous les parents

    • Le , Delphine a dit :

      Voyez avec la maîtresse de MS et le ou la directeur/trice.
      À cet âge, le glissement peut se faire à n’importe quel moment de l’année du moment que votre fille a acquis les notions demandées. Mais c’est au bon vouloir des enseignants… En cas de refus, il faudra attendre un enseignant plus ouvert ou faire passer à votre fille un test de QI (le WPPSI-IV à partir de 2 ans et demi ou le WISC-V à partir de 6 ans). Présentez-lui comme des petits exercices pour connaître ses points forts. Cela évitera qu’elle répète le mot QI dans la cour de récréation et se retrouve stigmatisée.

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